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Influence culinaire : quand les chef.fes deviennent des marques 

Les tables rondes du Festival des Terroirs 2025 #2

Animée par Louison Lagneaux – Cher Bon !, avec Sarah Hamza (Söma) et Steven Thiebaut-Pellegrino (Leptine)

 

Dans une époque où les étoiles brillent autant sur Instagram que dans le Guide Michelin, la figure du chef se transforme. Lors d’une table ronde animée, Sarah Hamza (cheffe et fondatrice de Soma) et Steven Thiebaut-Pellegrino (chef du restaurant Leptine) ont partagé avec franchise leur regard sur la médiatisation du métier, l’exposition sur les réseaux sociaux, et la délicate alchimie entre cuisine, communication et convictions.

« Un outil, pas une finalité »

La question posée était simple : les réseaux sociaux sont-ils devenus indispensables pour exister dans le paysage gastronomique ? La réponse, elle, fut nuancée. Steven Thiebaut-Pellegrino résume bien la bascule : « On est une génération à cheval entre la tradition des anciens et les nouveaux outils numériques. » Selon lui, les réseaux ne sont plus un luxe, mais une vitrine : un moyen d’incarner son identité culinaire, de créer une appétence visuelle et de maintenir une présence dans un univers hautement concurrentiel.

Sarah Hamza, de son côté, confie avoir lancé la communication de Soma avant même l’ouverture, grâce à des événements et des collaborations. Une stratégie pensée… malgré sa personnalité réservée. « Ce n’est pas naturel pour moi, mais ça permet d’humaniser l’expérience. » Aujourd’hui, elle travaille main dans la main avec un professionnel, Tony Noël, pour gérer l’image du restaurant. « Les réseaux, c’est un outil de travail. Pas un objectif de notoriété. »

L’équilibre fragile entre cuisine et com’

Le vrai débat, celui qui met les chefs face à un tiraillement quotidien, se glisse dans une remarque de Steven : « Main gauche sur la casserole, main droite sur le portable à gérer ta page... » L’image fait sourire, mais elle résume une réalité : celle d’une double casquette difficile à porter.

Tous deux ont choisi de déléguer une partie de leur communication, sans pour autant lâcher le volant. Identité visuelle, direction artistique, ton employé : rien n’est laissé au hasard. Car derrière les photos léchées se cache un artisanat exigeant. Steven rappelle : « C’est un métier de fond. Se lever tôt, finir tard. Un geste répété mille fois. »

Chefs-stars, partenariats et gros cachets

À mesure que les projecteurs s’intensifient, une nouvelle question surgit : jusqu’où peut-on aller dans la médiatisation sans se perdre ? Que penser des grands chefs devenus marques à part entière ? Des campagnes Uber Eats ? Des signatures de parfums ou d’électroménagers ?

Steven, avec honnêteté, reconnaît avoir changé d’avis : « Il y a trois ans, je critiquais ça. Aujourd’hui, je comprends mieux. Quand on vous propose 30 000 euros pour une demi-journée, vous prenez le temps de réfléchir. » Pour beaucoup, ces partenariats permettent de pérenniser une entreprise, rembourser un prêt ou faire vivre une famille. « Ce n’est pas vendre son âme, c’est un autre module de travail. »

Sarah, encore loin de ce niveau de médiatisation, reste lucide : « L’argent peut faire tourner la tête. Mais ce n’est pas une excuse pour perdre de vue qui on est. »

Garder les pieds sur terre

Dans cet univers de starification croissante, comment garder l’équilibre intérieur ? Les deux chefs pointent l’importance de l’entourage, de l’humilité, et de la capacité à se remettre en question. Sarah le dit simplement : « On partage des émotions, on ne sauve pas des vies. » La phrase, pleine de sagesse, sonne comme un rappel à l’essentiel.

Et l’essentiel, justement, c’est peut-être ce que les réseaux sociaux ne montrent pas : les livraisons de poisson à l’aube, les coups de feu en cuisine, les coupures, les heures sans pause, les services à rallonge. « Pour un an de kiff, il y a dix ans de taf », lance Steven. Le ton est franc, mais jamais amer.

La vraie reconnaissance : ceux qui reviennent

Dans un métier où la visibilité attire, c’est finalement la fidélité des clients qui touche le plus. Sarah raconte ces habitués devenus presque famille. Steven se souvient d’un couple, puis d’une grossesse, puis d’un dîner à trois. « Quand c’est chez toi que les gens viennent fêter un moment important, ça n’a pas de prix. »

Et c’est peut-être là que réside la vérité du métier : non dans les likes, mais dans les liens. Non dans les articles, mais dans les regards échangés. Non dans la lumière des plateaux télé, mais dans celle, plus discrète, d’une salle remplie de visages connus.

 

Conclusion 
Dans un monde où les chefs deviennent des marques, la tentation est grande de croire que la notoriété se cuisine à coup de stories. Mais comme le rappellent Sarah et Steven, la cuisine reste un métier d’engagement, de sincérité et de présence. La clé ? Trouver la bonne distance entre l’image projetée et l’identité profonde. Pour que, star ou pas, le geste reste juste — et que le feu sacré ne s’éteigne jamais.

Influence culinaire : quand les chef.fes deviennent des marques Les tables rondes du Festival des Terroirs 2025 #2
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