Les boulangers engagés – Webinaire #1
Le 11 juillet dernier, Le Tour des Terroirs a organisé son premier webinaire participatif autour de la boulangerie. Quatre boulangers, adhérents de l’association, ont échangé pendant une heure sur leur savoir-faire et l’évolution de leur métier. Nous avons pu compter sur la présence d’Adriano Farano (Pane Vivo), de Nicolas Giraud (Bizu Pain et Gâteaux), d’Agnès Laurent (Planète Levain) et de Romain Fourcy (L’Équilibriste Manufacture de Pain).
Pour commencer, les quatre boulangers ont échangé sur leurs débuts et sur leur vision de la boulangerie artisanale. L’expérience de Romain Fourcy, lors de son passage à l'École Internationale de Boulangerie, lui a révélé les problèmes de la boulangerie conventionnelle, qu'il n'hésite pas à qualifier de « catastrophe ». Cette prise de conscience l'a conduit à se radicaliser dans sa pratique, en utilisant exclusivement des farines natives, sans additifs, et en misant sur de longues fermentations. Pour lui, cette méthode n'améliore pas seulement le goût du pain, mais elle est aussi essentielle pour la santé, un enjeu qu'il souhaite mettre en lumière.
Adriano Farano, d'origine italienne, partage sa fascination pour le levain, ou « pasta madre » en italien. « Je suis tombé sous le charme du levain », dit-il, soulignant la logique de ce terme qui signifie "pâte mère". Pour Adriano Farano, le levain est bien plus qu'un ingrédient ; c'est une source de vie qui enrichit le pain de ses qualités nutritionnelles et gustatives uniques. Pour Nicolas Giraud, l'utilisation du levain s'est imposée naturellement. « Pour nous, ça a été tout simplement une évidence de faire du pain au levain », explique-t-il. Ayant grandi dans un environnement où cette tradition était la norme, Giraud et sa famille fabriquent tout eux-mêmes, des pains aux viennoiseries. Cette immersion dans la culture du levain depuis leur enfance renforce leur engagement envers cette pratique ancestrale.
Les matières premières
La démarche de « boulanger engagé » passe également par le choix des matières premières, notamment du blé. Pour trois d’entre eux, le choix ne se concentre pas forcément sur les blés anciens ; ils prennent également en compte les blés locaux et bio.
« Pour moi, la priorité, c’était de trouver une minoterie avec laquelle je m’entende très bien, et que les blés soient entièrement natifs et bio », explique Romain Fourcy. Agnès Laurent adopte une approche similaire : « Ma priorité, c’est le bio et le local », précise-t-elle, mettant en avant la complémentarité entre tradition et innovation pour obtenir un pain de qualité. Nicolas Giraud a également fait le choix du bio en travaillant avec une minoterie locale.
De son côté, Adriano Farano, fervent défenseur des blés anciens, souligne leur valeur historique et leur digestibilité supérieure. « Les blés anciens, ce sont des blés qui ont existé depuis longtemps », explique-t-il, en référence aux célèbres peintures de Van Gogh. Il a mené une étude approfondie de 35 variétés de blés anciens pour trouver celle offrant le meilleur équilibre entre qualité nutritionnelle et facilité de digestion, conditionnée par une fermentation au levain naturel.
Le prix
La perception des prix par les clients varie considérablement selon les boulangeries et leurs approches. Romain Fourcy explique : « Il y a une partie de la clientèle qui ne comprend pas le coût plus élevé, et une autre pour laquelle bien manger est essentiel, donc ils acceptent que le pain soit plus cher. Après, quand on explique que notre pain prend trois fois plus de temps et de travail à faire, ils comprennent. »
Pour Nicolas Giraud, la qualité justifie le prix, surtout pour les gâteaux et viennoiseries : « En général, on le voit sur les gâteaux et les viennoiseries. Les gens reviennent car ils se disent : "Ok, c’est un peu plus cher, mais ça n’a rien à voir avec ce qu’il y a ailleurs." » Adriano Farano, basé au centre de Paris, a observé un phénomène intéressant avec l'augmentation des coûts énergétiques et des matières premières : « Les augmentations dans les boulangeries conventionnelles ont été beaucoup plus importantes que nos augmentations. » Agnès Laurent, qui pratique la vente en livraison, bénéficie de charges réduites : « Mon pain est moins cher. Avec les augmentations des autres, il est devenu presque moins cher qu’une boulangerie conventionnelle ces dernières années, car j’ai très peu augmenté. »
La communication
Du côté de la communication, Agnès Laurent avoue sa frustration : « J’ai un site internet, une page Facebook et un Instagram, mais je ne sais pas comment les utiliser efficacement pour montrer ce qui rend mon travail unique. » Romain Fourcy mise sur l'éducation de ses clients en expliquant la longue fermentation sur son site, mais il peine à distinguer clairement ses différents types de pains auprès de sa clientèle de masse.
Nicolas Giraud souligne un manque de moyens de communication : « Aujourd’hui, nous ne savons pas comment bien communiquer et par quel moyen. Vous arrivez dans un village, vous cherchez un petit restaurant, vous vous dites : je regarde sur Internet et vous savez où aller. En boulangerie, ça n’existe pas ; on ne sait pas s’il y en a qui utilisent des levains, des levains liquides, avec un peu ou beaucoup de levure. »
Les pistes d’amélioration
Afin de faire évoluer les choses plusieurs pistes ont été évoqué :
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Essayer de sensibiliser les consommateurs et d’être le plus lisibles possibles. Pour que cela puisse changer à court terme, il serait nécessaire de faire évoluer la législation dans le monde de la boulangerie.
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La mise en place de récompenses ou de labels qualité répondant à un cahier des charges strict et lisible pour être identifiable par les consommateurs et les professionnels.
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Promouvoir les actions quotidiennes à travers les réseaux sociaux de communication et peut-être aussi lors d'événements pour amener ce sujet de la boulangerie responsable à un public plus large.