Le Garum, le nouveau condiment star de la cuisine durable
Les tables rondes du Festival des Terroirs 2025 #15
Proposée par MAISON DEHESA, animée par Samir Ouriaghli avec Florence Chatelet (MAISON DEHESA), Thomas Belval (Chef de L'Atelier des Augustins*) et Christophe Lavelle (CNRS).
Il y a des trésors culinaires que l’on croit perdus à jamais, et puis, soudain, ils réapparaissent sous nos yeux… ou plutôt sous nos papilles. Le garum, cette fameuse sauce de poisson fermentée de l’Antiquité, connaît aujourd’hui une renaissance étonnante grâce à des chefs passionnés et à des artisans comme la MAISON DEHESA. Bien plus qu’un simple condiment, le garum est un concentré d’histoire, de goût et de savoir-faire durable.
Une recette millénaire remise au goût du jour
À l’origine, le garum était fabriqué sur les côtes méditerranéennes à partir de poissons et de sel. Les romains l’utilisaient pour rehausser la saveur de leurs plats et même en médecine. Christophe Lavelle, intervenant de la masterclass, explique : « Il va fabriquer des enzymes. Ça tombe bien, le koji fabrique des tas d’enzymes pour dégrader les protéines, les lipides et les glucides. En trois semaines, on peut obtenir un garum déjà très intéressant. »
Aujourd’hui, on peut retrouver la recette originale du garum aimatum, un garum de thon, dans des textes byzantins du Xe siècle, compilés par l’empereur Constantin VII. Cette transmission historique permet aux chefs modernes de recréer un condiment riche en goût, tout en restant fidèle à la tradition.
L’umami, cette cinquième saveur universelle
Le garum n’est pas seulement salé : il est profondément umami. Comme l’explique Christophe Lavelle : « L’umami, c’est ce qui nous permet de détecter la saveur des protéines. Partout dans le monde, on adore ça. Et c’est aussi ce qui fait le succès des fermentations. »
Dans les garums de thon ou d’anchois modernes, on retrouve même des notes rappelant le parmesan, la tomate confite, ou la boutargue : des nuances incroyables issues d’un simple poisson fermenté.
Des applications créatives et responsables
Les chefs contemporains ne se limitent pas au poisson. On peut réaliser des garums à partir de viandes, champignons, restes de café ou même de petit-lait. Florent Pietravalle, par exemple, a transformé le marc de café en un garum cacao étonnant. Christophe Lavelle insiste sur cet aspect : « Il faut penser aussi à autre chose que le poisson. Avec un peu de shoyu et de koji, on peut faire des choses vraiment sympas. »
Cette démarche permet non seulement de créer des saveurs inédites, mais aussi de valoriser les déchets alimentaires, aussi durable qu’innovant.
Le garum en cuisine : un jeu de textures et de saveurs
Thomas Belval, chef présent à la masterclass, montre comment utiliser le garum : « Sur un Gravlax d’omble, le garum de thon apporte gras et texture, tandis que le garum d’anchois adoucit et enrichit le goût des œufs de truite. »
En cuisine, il agit comme un assaisonnement subtil mais puissant, qui fait ressortir le meilleur des aliments sans recourir à un excès de sel. Christophe Lavelle ajoute : « Si l’umami est là, on n’a pas besoin de sel. C’est un des grands avantages des garums. »
Un condensé de culture et de santé
Au-delà du goût, le garum est une véritable mine de protéines et de probiotiques. Historiquement utilisé pour ses vertus médicinales, il permet aujourd’hui de réduire la quantité de sel dans nos plats tout en offrant une expérience gustative complexe et raffinée.
« C’est aussi une question de santé publique, explique Christophe Lavelle. Le sel est un des gros problèmes aujourd’hui. L’umami nous permet de manger moins salé sans perdre en goût. »
Le garum, loin d’être un simple vestige du passé, devient ainsi un symbole de gastronomie consciente et audacieuse. Entre histoire, science et expérimentation sensorielle, il montre que la richesse d’un plat réside autant dans ses saveurs que dans les histoires qu’il raconte. Alors, prêt à redécouvrir l’umami oublié ?
