Labels durables en restauration : entre engagement sincère et choix éclairés
Face aux défis environnementaux, sociaux et économiques, la restauration durable s’impose peu à peu comme une nécessité. Mais parmi la multitude de labels qui émergent, comment s’y retrouver ? Le temps d’un webinaire, chefs engagés, producteurs et experts ont croisé leurs regards pour éclairer le chemin. Récit d’un échange riche, ancré dans le concret.
Pourquoi se labelliser, et pour qui ?
Le webinaire s’ouvrait sur une question simple, mais essentielle : pourquoi se labelliser ? Pour structurer sa démarche, rassurer ses clients, ou revendiquer ses valeurs ? Plusieurs professionnels y ont vu un levier d’évolution, un outil pour formaliser et approfondir ce qu’ils faisaient déjà. Mais tous s’accordent : le label n’est pas une fin en soi — c’est un point d’appui.
Quand les chefs passent à l’action
Antoine Philiber – Les Gagères, 3 macarons Écotable
Pour Antoine, obtenir le label Écotable n’était pas une opération de communication, mais une étape dans un cheminement réfléchi :
« J’avais besoin d’un cadre clair, structurant, pour pousser plus loin ma démarche. » Il vise désormais l’étoile verte Michelin. À la carte : 90 % de produits issus de Rhône-Alpes, dont 80 % bio, et un refus assumé des grossistes.
Les points forts ? L’accompagnement proposé par Écotable, et une refonte globale, jusque dans le nettoyage ou le service.
Les freins ? Le coût (environ 1 200 €) et un manque de notoriété du label auprès du grand public.
Julien Pilati – Maison Joia, labellisé FIG
Dès l’ouverture de son restaurant à Nice, Julien Pilati avait mis en place une approche responsable, qu’il a ensuite consolidée avec le label FIG, en partenariat avec TheFork.
Son exigence : 100 % de produits français (à l’exception du chocolat), issus d’un sourcing ultra-local, en lien direct avec des producteurs en reconversion. « Le label a renforcé notre crédibilité à l’international et donné encore plus de sens à notre cuisine. »
Le principal frein ? Le temps initial nécessaire pour tout mettre en place.
Christophe Dufossé – Château de Beaulieu, 2 étoiles Michelin + 1 verte
Ici, la durabilité est un projet global : 8 hectares d’écosystème agricole intégré, avec potager, verger, animaux, compost, autonomie en eau, zéro plastique…
Le label Michelin est arrivé naturellement, comme la reconnaissance d’un engagement total de toute l’équipe. « Tout est connecté : cuisine, spa, énergie. On pense en systèmes. »
Christophe Hay – Fleur de Loire, 2 étoiles Michelin + 1 verte
Issu du monde agricole, Christophe Hay porte un projet profondément ancré dans la terre et le vivant. Sa cuisine repose sur la traçabilité, la réduction des déchets, et une RSE forte : compost, produits d’entretien responsables, déshydrateur pour éviter le gaspillage… « Notre clientèle vient chercher une cohérence, un respect du vivant. »
Son restaurant fait partie des 50 premiers établissements à avoir obtenu l’étoile verte Michelin.
Du côté des producteurs : quelle valeur ajoutée ?
Maxime Durand – Beyond Green, label Bio
Maxime Durand accompagne les agriculteurs dans leur transition vers le bio. Le label reste l’un des plus identifiés et compris par le public, même si certains freins persistent : contraintes techniques, lourdeurs administratives, perte de dynamisme dans certains circuits.
Pourtant, les chiffres parlent : 66 % des Français veulent plus de bio en restauration rapide, et 78 % en restauration classique.
Fabrice Hegron – En direct des éleveurs, label Bleu-Blanc-Cœur
Fabrice Hegron milite pour une chaîne vertueuse, de l’alimentation animale à la santé humaine. « Mieux nourrir les animaux, c’est mieux nourrir les hommes. »
Son collectif d’éleveurs mise sur la transparence, l’impact mesurable (CO₂, oméga 3…) et des prix équitables (minimum 1 700 €/mois par éleveur). Le défi : faire entendre sa voix face aux grands groupes.
Morgane Vialle – Association “Entre Alpilles, Crau et Camargue” (AOP / IGP)
Morgane Vialle travaille à faire comprendre la richesse des labels d’origine (AOP/IGP) aux chefs et au public. « Ce sont des produits avec une histoire, un territoire, un savoir-faire. »
Si leur force est indéniable (ancrage local, typicité gustative, dimension environnementale), leur complexité administrative freine parfois leur adoption. Le délai moyen d’obtention ? Dix ans.
Labels durables : utiles ou purement marketing ?
Dans le panel final, plusieurs questions ont nourri le débat :
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Se labelliser : pour soi ou pour son image ?
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Les labels : garants d’impact réel ou outils marketing ?
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Quels critères privilégier ? Environnement, goût, santé, rentabilité ?
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Tous s’accordent sur un point : un label ne remplace pas le lien direct avec les producteurs, ni l’engagement du quotidien. Le duo gagnant reste celui-ci : un label clair + une relation humaine forte avec ceux qui produisent.
En conclusion
Les labels ne sont ni des solutions miracles, ni des simples gadgets marketing. Bien choisis, bien compris, et bien utilisés, ils peuvent structurer une démarche sincère, offrir de la lisibilité aux clients, et renforcer la cohérence d’un projet. Encore faut-il accepter la complexité du vivant… et le temps long.
Parce qu’au fond, il ne s’agit pas seulement de mieux manger. Il s’agit de mieux faire société.