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Le levain : Secrets d'un ferment vivant 

Les tables rondes du Festival des Terroirs 2025 #6

Animée par Samir Ouriaghli, avec Adriano Farano (Pane Vivo), Christian Pourcel (Moulin de Colagne) et Jean-Pierre Constans (Moulin de Colagne)

Autrefois nourriture de base, aujourd’hui parfois relégué au simple statut d’accompagnement, le pain fait pourtant partie intégrante de notre culture et de notre quotidien. Mais sous ses apparences banales se cache une véritable révolution silencieuse : le retour du pain au levain naturel, fermenté lentement, nourri avec des farines anciennes, façonné à la main. Ce mouvement, porté par des boulangers engagés et une nouvelle génération de consommateurs, marque un tournant à la fois culturel, sanitaire et écologique.

Un organisme vivant dans nos mains : comprendre le levain

Le levain, ce n’est pas juste un ingrédient : c’est un organisme vivant. Il résulte d’un écosystème complexe composé de bactéries lactiques et de levures sauvages, qui interagissent pour fermenter la pâte, lui donner du goût, la faire lever, et en améliorer la digestibilité. « Le levain est vivant. Il faut le nourrir régulièrement. C’est comme nous : si on ne se nourrit pas bien, notre corps ne va pas apprécier », explique Adriano Farano.

Et ce levain vivant, il faut apprendre à l’observer. Des bulles à la surface, une odeur agréable, une texture mousseuse… autant de signes qu’il est en forme. « Si votre levain flotte quand vous le versez dans l’eau, cela veut dire qu’il est chargé en gaz carbonique : il est prêt à faire lever la pâte. S’il coule, c’est que les bactéries ont trop travaillé, que le pH a trop baissé… et là, ça devient technique », précise le boulanger.

Mais un levain mal entretenu peut devenir trop acide, perdant ses propriétés fermentaires et gustatives. D’où l’importance de l’entretien quotidien, et d’un savoir-faire que peu maîtrisent encore aujourd’hui.

Une reconquête culturelle portée par la jeunesse

Contrairement à certaines idées reçues, ce retour au levain n’est pas un repli passéiste. Il est au contraire porté par la jeunesse, comme le souligne Adriano Farano : « Ce sont surtout les nouvelles générations. Même celles qui ont suivi un parcours classique de formation. Elles évoluent dans leur tête et reviennent à ça ».

Cet intérêt croissant s’observe aussi dans les filières de formation : plusieurs écoles artisanales, mais aussi des réseaux professionnels, s’engagent à transmettre les savoir-faire du pain vivant, à travers des stages, des masterclasses et des ateliers participatifs.

Il ne s’agit pas seulement de pétrir de la pâte, mais de réapprendre à écouter le vivant, à s’adapter à des farines qui changent selon les saisons, à réagir aux variations de température, d’hydratation, ou encore aux réactions propres à chaque levain.

Une réponse aux enjeux de santé publique

Derrière cette reconquête du levain, il y a aussi une alerte sanitaire majeure.
Aujourd’hui, les maladies chroniques explosent : diabète de type 2, obésité, cancers… Et l’alimentation industrielle y joue un rôle central.

« En France, vous avez un Français sur deux qui est soit obèse, soit en surpoids. C’est les mêmes valeurs qu’on avait aux États-Unis il y a 10 ans. Réveillons-nous. » Et le pain ? C’est l’un des aliments les plus consommés quotidiennement en France. Il est donc stratégique. « Si le pain tombe, tout s’écroule », dit l’un des intervenants.

Le pain au levain, grâce à sa fermentation lente, est non seulement plus digeste, mais il a un indice glycémique plus bas, favorise une meilleure assimilation des minéraux, et contient une microbiote complexe qui peut renforcer notre propre flore intestinale.

Éduquer dès le plus jeune âge : l’enjeu de la transmission

« J’ai fait des ateliers dans les écoles. Je leur ai fait mettre le doigt dans le levain. Ils goûtent, ils font la grimace… et je leur dis : sur ton doigt, il y a plus d’êtres vivants que d’êtres humains sur Terre », s’amuse Adriano Farano . Sur un gramme de levain, on trouve 2,9 milliards de bactéries lactiques et 200 millions de levures. Une densité de vie qui invite à l’émerveillement, mais aussi à l’humilité. « Le mot humilité vient d’‘humus’, la terre. L’infiniment petit nous suggère des choses infiniment grandes. »

C’est cette prise de conscience qui doit être transmise, non seulement aux futurs boulangers, mais aussi aux consommateurs.

Reconnaître un pain au levain : quelques indices pour les consommateurs

Mais alors, comment savoir si le pain que l’on achète est vraiment au levain ? Plusieurs indices existent à commencer par… le goût.

« Si ça a goût de vinaigre, c’est qu’il a fermenté trop longtemps ou qu’on a triché. Un bon pain au levain ne doit pas être trop acide, précise le boulanger. Et pour les plus curieux, il existe un test simple à faire chez soi : Coupez une tranche, mettez-la dans de l’eau tiède. Si c’est du pain au levain, la tranche ne se délite pas. Elle tient. »

Ce test, aussi simple qu’efficace, permet de distinguer les pains industriels (cotonneux, spongieux) des pains vivants, structurés, riches en fibres et en arômes.

Une filière à reconstruire, une société à repenser

Ce renouveau du pain au levain n’est pas qu’un effet de mode : c’est un changement de paradigme. Il s’inscrit dans une remise en cause profonde du modèle agroalimentaire dominant, de la recherche de productivité à tout prix, et de la standardisation des goûts.

« Dans une société démocratique, je ne pense pas qu’en 2025, la volonté générale soit de ne s’occuper que de la productivité. La santé des sols et la santé des hommes sont importantes. »

Et si le pain, cet aliment ancestral, devenait le symbole d’un futur plus humain, plus vivant, plus connecté à la terre ?

 

En résumé

Le pain au levain est un produit vivant, artisanal, plus digeste et meilleur pour la santé, il nécessite un savoir-faire exigeant, mais accessible à qui veut apprendre. Il répond à des enjeux majeurs de santé publique et de transition écologique. De plus, il séduit une nouvelle génération de consommateurs et de professionnels en quête de sens.

Alors, la prochaine fois que vous achetez une baguette, posez-vous la question : est-ce un pain vivant ? Et si ce n’est pas le cas… pourquoi ne pas (re)découvrir le vrai goût du levain ?

Le levain : secrets d'un ferment vivantLes tables rondes du Festival des Terroirs 2025 #4
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