Fleur de Loire – Christophe Hay
- clamy-grandidier
- 5 juin
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« De la ferme à l’étoile : l’itinéraire d’un chef enraciné dans la Loire »
Dans l’univers de la haute gastronomie, rares sont les chefs qui portent en eux un tel ancrage au terroir et un engagement si profond envers la nature. Né à Vendôme, au cœur du Loir-et-Cher, le chef Christophe Hay incarne avec justesse l’alliance entre mémoire familiale, excellence culinaire et conscience écologique.
« Je suis issu d’une famille d’agriculteurs depuis cinq générations, à Saint-Jean-Froidmentel. Mon père était boucher, ma mère cuisinière, et ma grand-mère transformait tout ce que produisait la ferme : les légumes, les volailles, les lapins… J’ai grandi dans cet environnement agricole, avec ces grandes tablées et dans le goût des bons produits », confie le chef. Une enfance qui le prédestinait à un avenir derrière les fourneaux.
De Blois, à Orlando, en passant par Lyon
À tout juste 8 ans, il sait qu’il sera cuisinier. Le lycée hôtelier de Blois devient le point de départ d’un parcours hors norme : apprentissage auprès d’Éric Reithler, seul restaurant étoilé de la ville. S'ensuit, après dix ans dans cet établissement, un passage chez Paul Bocuse à Lyon, puis un envol vers les États-Unis où il participe à l’ouverture du Bistro de Paris, à Orlando. « Ces années m’ont donné le goût de l’exigence, du travail bien fait. Mais je savais qu’un jour, je reviendrais dans le Loir-et-Cher. C’est ici que tout prend sens pour moi. »
De retour en France, il devient chef exécutif pour le Groupe BC de trois établissements de la région parisienne : l'Hôtel de Sers, l’Hôtel Edouard VII, et le Bel-Ami. Il revient ensuite dans sa région natale pour écrire une page essentielle de son histoire : l’ouverture de La Maison d’à Côté à Montlivault en avril 2014. La suite est fulgurante : une étoile Michelin en février 2015, puis deux en 2019, l’ouverture de La Table à Orléans (1 étoile) en 2018, et surtout, en 2020, il fait partie des cinquante premiers chefs à décrocher la première étoile verte de l’histoire du Guide Michelin.
Mais le chef ne s’arrête pas là. En 2021, il est sacré cuisinier de l’année par le Gault et Millaut. En 2022, il vend La Maison d’à Côté pour ouvrir Fleur de Loire, à Blois, un écrin de nature et de gastronomie responsable. « Ce lieu, je l’ai pensé comme une maison ouverte sur le monde, mais ancrée dans la terre du Loir-et-Cher », dévoile le chef.
Un chef-éleveur, du potager à l’assiette
Au-delà de ses restaurants, Christophe Hay est aussi agriculteur. Il crée sa propre exploitation, véritable hommage à ses racines et à son père disparu. En 2018, il achète 37 têtes de bœuf Wagyu à un éleveur qui fut le premier à importer cette race en France, quand le Japon a ouvert ses frontières, dans les années 80. Aujourd’hui, le troupeau dépasse les 100 têtes, élevées en agriculture biologique à Segré, au nord d’Angers. « J’ai eu plus de fierté à créer ma société agricole que ma cuisine, » avoue-t-il sans détour. C’est aussi le seul élevage de Wagyu bio en France.
En parallèle, il cultive un hectare et demi de terres, avec 3000 m² de serres, une 2000 m² d’aspergeraie, et une collection unique d’une quarantaine d’agrumes. Il possède aussi trois hectares de truffière entre Chambord et Cheverny, où il chasse la truffe avec Vicky, son fidèle labrador et mascotte de Fleur de Loire.
« Je souhaite être autonome en végétal, mais je travaille aussi avec de nombreux producteurs locaux. Le Centre-Val de Loire, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le Jardin de la France. Je travaille la cerise d’Olivet, la fraise de Sologne, l’agneau solognot — grâce à des éleveurs comme Céline Boulet qui ont relancé la race — ainsi que le gibier de Chambord ou encore le caviar de Sologne de Vincent Hennequart », précise le chef.
Une cuisine locale, saisonnière… et engagée
Dans ses cuisines, 100 % des produits viennent de la région, à l’exception de trois trésors : le chocolat, la vanille et le café. Mais même là, pas de compromis. Le chef se rend lui-même à Madagascar, La Réunion ou au Salvador pour rencontrer les producteurs et sourcer les meilleures matières premières. « Pour le café, j’ai une parcelle dédiée au Salvador. J’achète toute la production, environ 450 kg par an. Cela m’offre la possibilité de posséder un café d’exception à la fois avec des notes florales et de cacao, indique le chef. Pour le chocolat, je vais directement au Pérou, où j’ai découvert un chocolat à 70% de cacao, il n’est pas trop puissant, mais très aromatique et acidulé. »
La carte de ses restaurants change 7 à 8 fois par an, au rythme du potager et des saisons. « Quand on termine un rang de carottes ou de laitues, on passe à autre chose. C’est la nature qui nous dicte la carte. » Spécialiste reconnu des poissons de Loire, il milite pour leur retour sur le devant de la scène gastronomique. « À 15 ans, j’ai remporté un championnat de pêche. Ces poissons faisaient jadis la fierté des tables royales. Il est temps de leur redonner leurs lettres de noblesse », affirme le chef.
En plus de venir pour la découverte des poissons de Loire, les convives viennent à Fleur de Loire également pour découvrir le bœuf Wagyu, élevé en agriculture biologique par le chef lui-même, et proposé « à un coût réduit grâce à notre maîtrise de toute la chaîne ». Une rareté en France, et une fierté. Côté végétal, le potager de Fleur de Loire offre une palette impressionnante de variétés, certaines locales, d’autres venues de plus loin, mais cultivées ici dans le Loir-et-Cher. Christophe Hay travaille aussi avec le conservatoire des graines anciennes de la région pour faire renaître des variétés oubliées et leur redonner une place dans l’assiette.
Un chef engagé, un leader respecté
Avec 140 collaborateurs à Fleur de Loire et 18 à La Table, Christophe Hay revendique une politique RSE forte et une gestion bienveillante. Résultat : aucun problème de recrutement. « Chez nous, le management commence par la bienveillance. On forme les jeunes, on les sensibilise aux enjeux environnementaux, à la consommation d’énergie, à la gestion des déchets, à la valorisation de l’eau de pluie. C’est ainsi qu’on prépare l’avenir », partage le chef.
Toujours en mouvement, il ouvrira en septembre un Kiosque à Orléans, avec une offre sucrée et snacking, ouverte de 7h30 à 19h. « J’aimerais en faire un vrai lieu de vie. Un endroit simple, généreux, qui respire l’esprit de ce que je fais depuis toujours : partager », souligne le chef.
Dans le sillage de la Loire, Christophe Hay trace un chemin unique, entre rigueur de chef étoilé et humilité d’homme de la terre. Chaque plat raconte son parcours, chaque produit évoque ses racines. Et si son art culinaire brille aujourd’hui au firmament des étoiles, c’est sans jamais perdre de vue l’agriculture, la nature et ce terroir ligérien qui l’a vu naître — et qu’il fait rayonner à son tour.
Contact
Fleur de Loire
Adresse : 26 Quai Villebois Mareuil – 41 000 Blois
Tél : 02 46 68 01 20
Site Internet : https://fleurdeloire.com/fr/
Crédit photo : Maïka Studio
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